Le voile : le plus grand châtiment en Enfer
Ibn al-Qayyim
Ibn al-Qayyim a dit :
[Chapitre : Certaines punitions des péchés]
Parmi celles-ci, il y a le voile du cœur qui empêche d’accéder à son Seigneur dans ce bas monde ainsi qu’un voile encore plus grand au Jour de la Résurrection, comme Allah a dit [traduction rapprochée] :
« Pas du tout ! Ce qu’ils ont acquis a couvert leurs cœurs d’une rouille. En vérité, ce jour-là, ils seront voilés de leur Seigneur. » (Sourate al-Mutaffifīn, 14-15)
Les péchés les ont empêchés de franchir la distance entre eux et leurs cœurs, afin de leur permettre de connaître ce qui leur serait bénéfique et savoir ce qui les purifie et les élève et ce qui les corrompt et les rend malheureux.
Ils les ont également empêchés de franchir la distance entre leurs cœurs et leur Seigneur, afin que leurs cœurs puissent parvenir jusqu’à Lui, goûter à Sa proximité, à Son honneur, trouver en Lui la joie du regard et la paix de l’âme. Au contraire, les péchés ont constitué un voile entre eux et leur Créateur, les séparant de Lui.
Allah a dit au sujet des mécréants [traduction rapprochée] :
« En vérité, ce jour-là, ils seront voilés de leur Seigneur, puis ils brûleront certes dans la Fournaise. » (Sourate al-Mutaffifīn, 15-16)
Ainsi, Il a réuni pour eux deux formes de châtiment :
1) Le châtiment du feu,
2) Et le châtiment d’être voilés d’Allah.
De même qu’Il a réuni pour Ses alliés deux formes de délice :
1) Le délice de ce qu’ils trouvent dans le Paradis,
2) Et le délice suprême de voir Son noble Visage.
Allah a mentionné ces quatre catégories dans cette sourate [traduction rapprochée] :
« En vérité, les vertueux seront dans un délice, sur des divans, ils regarderont. » (Sourate al-Mutaffifīn, 22-23)
Certains ont mal compris le sens du verset en disant : « Ils regarderont leurs ennemis châtiés, ou bien leurs demeures, ou bien les uns les autres. » Mais cela détourne le verset de son vrai sens. Le véritable sens est : ils regarderont le Visage de leur Seigneur, en opposition aux mécréants qui, eux, seront voilés de leur Seigneur.
La vie de celui qui aime (Allah) dépend entièrement de son Bien-Aimé, celui sans lequel son cœur, son âme et sa vie ne peuvent subsister. Il ne peut se passer de Lui ne serait-ce qu’un instant. Sans Lui, il n’a ni sérénité, ni paix, ni repos de l’âme.
Il a plus besoin de Lui que de son ouïe, de sa vue, de sa force, et même de sa propre vie — car vivre sans Lui, c’est vivre dans la souffrance, la douleur, la tristesse et l’angoisse. Sa vie dépend donc de la proximité, de l’amour et de la compagnie d’Allah. Et le châtiment du voile (le fait d’être séparé d’Allah) est plus grand encore que le châtiment du Feu.
De même que la félicité du cœur et de l’âme, quand ce voile est levé, est plus grande que le plaisir de manger, de boire, ou de jouir des houris. Ainsi, le châtiment du voile est plus terrible que celui de l’Enfer. C’est pourquoi Allah a réuni pour Ses alliés les deux délices dans Sa Parole [traduction rapprochée] :
« À ceux qui ont fait le bien est réservée la plus belle récompense (al-ḥusnā) et davantage encore. » (Sourate Yūnus, 26)
« La plus belle récompense », c’est le Paradis. Et le « davantage », c’est la vision du Visage de leur Seigneur dans les Jardins d’Éternité. Et Il a réuni pour Ses ennemis les deux châtiments dans Sa Parole [traduction rapprochée] :
« En vérité, ce jour-là, ils seront voilés de leur Seigneur, puis ils brûleront certes dans la Fournaise. » (Sourate al-Mutaffifīn, 15-16)
La négligence (ghafla) est le sommeil du cœur qui l’empêche de rechercher cette vie spirituelle. Elle devient un voile sur lui. S’il est levé par le Dhikr (le rappel d’Allah), la lumière revient ; sinon, il s’épaissit jusqu’à devenir un voile d’oisiveté, de distraction et d’occupations inutiles.
S’il ne se hâte pas de le lever, ce voile devient un voile de petits péchés qui éloignent d’Allah. Et s’il ne se repent pas, il devient un voile de grands péchés entraînant la colère, la malédiction et la haine d’Allah. S’il ne s’en débarrasse toujours pas, il devient un voile d’innovations pratiques, où l’homme se fatigue dans des œuvres inutiles.
Puis un voile d’innovations dans la croyance et la parole, contenant mensonge contre Allah et Son Messager, et rejet de la vérité révélée. S’il ne se réveille toujours pas, cela devient un voile de doute et de négation, qui corrompt les fondements mêmes de la foi : la croyance en Allah, en Ses anges, en Ses Livres, en Ses Messagers et en la rencontre avec Lui.
Alors, à cause de l’épaisseur, de l’obscurité et de la noirceur de ce voile, il ne perçoit plus les réalités de la foi. Le Shayṭān s’empare de lui, le trompe et l’illusionne. Son âme incitatrice au mal désire et convoite, et la nature animale prend le dessus sur la lumière de la foi — elle la capture, l’enchaîne, voire la détruit. Elle prend le contrôle du royaume intérieur de l’homme, mobilise les troupes des passions, ferme la porte de la vigilance, place le portier de la négligence à l’entrée et dit : « Prends garde que personne ne nous atteigne par toi ! »
Puis elle place le voile du désir (hawā) comme gardien et lui dit : « Ne laisse personne entrer sans passer par toi. » Ainsi, le gouvernement du cœur est livré à la négligence et au désir, et le pouvoir de la foi est captif. Et si ces deux gardiens (la négligence et le désir) laissent passer l’ennemi, le royaume se corrompt, le pouvoir revient à un autre, et la lumière du cœur est humiliée.
Ô comme est terrible la situation d’un cœur quand toutes ces armées se réunissent contre lui : la faiblesse de la foi, le peu de soutien, l’éloignement du rappel d’Allah, la plongée dans les distractions du temps présent, et la longueur des espérances qui ruinent l’homme.
Celui-là préfère l’immédiat et le présent à la promesse de l’avenir après la disparition de ce monde…Et Allah est Celui dont nous demandons l’aide, et en Lui seul nous plaçons notre confiance.
Source : Article regroupé à partir de différents ouvrages d’Ibn al-Qayyim :
Al-Dā’ wal Dawā’, Ighātha al-Lahfān et Tafsīr al-Qayyim lil-Imām Ibn al-Qayyim.
Traduction : Hicham Ibn Aḥmad Al Maghribī.
